A toi qui ne naîtras pas,
C’est grâce à cette pilule que tu n’es pas là.
Remercie-la.
J’aurais aimé avoir ta chance, et ne jamais voir le jour. J’aurais aimé que l’on m’épargne. J’aurais aimé ne jamais avoir à traverser ce par quoi je suis passée pour en arriver là.
J’aurais aimé être toi, ne pas être, n’être rien.
J’aurais aimé éviter le mal comme le bien.
J’aurais aimé qu’on ne choisisse pas pour moi, qu’on ne m’impose pas cette vie, mais il n’était malheureusement pas possible de me consulter avant que je ne sois née.
Il fut un temps où je t’ai désirée. Je ne sais même pas si tu aurais été une fille mais je le souhaitais, afin de reproduire tout ce dont je rêvais.
Tu étais dans mes plans, et ce pendant des années. Je ne savais pas quand ni comment tu arriverais mais je m’en réjouissais. Pour les mauvaises raisons.
Et puis, j’ai grandi. Et puis, la vie. Et maintenant, la seule chose que je sais, c’est que tu n’existeras jamais. Ce n’est pas un regret, c’est un choix, c’est une perspective qui me libère d’un poids, moi qui ai déjà du mal à m’occuper de moi. Ce n’est pas une croix difficile à dessiner ni un trait difficile à tirer, ce n’est pas une souffrance mais une évidence.
C’est pour toi et pour moi, mais surtout pour moi, que je le fais, que je ne te fais pas.
Je ne sais même pas si j’en serais capable. Dans le passé, j’ai été imprudente, insouciante, inconsciente, et tu n’es jamais venue. Et s’il y avait une raison à cela, médicale ou morale ? Et si je n’étais pas censée te créer, procréer ?
Je ne suis pas superstitieuse, mais je crois que tout arrive, ou n’arrive pas, pour une bonne raison.
Qu’on ne dise pas que ça changera. Je suis déterminée à ne pas me charger de cette responsabilité. Nous ne sommes pas faites pour nous rencontrer.
J’ai aimé l’idée que je me suis faite de toi, j’ai aimé me projeter et envisager ton arrivée, mais cela m’a suffi. Tu n’as jamais dépassé le stade de désir. Et je m’en remercie.
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