Je ne veux pas y penser.
Je veux fermer les yeux sur ce qui s’est passé, sur ce qui ne se passe plus : la vie.
Vide de sens, elle n’a plus le même goût.
Je savoure pourtant une certaine forme de paix, instable, et dont les fondations reposent sur des ruines. J’imagine les décombres après l’explosion qui a tout ravagé. Je les ai recouverts d’un sol en contreplaqué, irrégulier, qui laisse apparaître ce qu’il tente de dissimuler.
Les débris blessent mes pieds, que je protège en ne marchant jamais pieds nus.
Je ne touche plus terre, littéralement.
J’ai perdu tout contact avec la réalité.
Je vis dans mon propre monde aseptisé, dénué de toute perturbation extérieure.
Extérieure seulement, car à l’intérieur, c’est le feu. Le brasier qui continue de brûler après l’explosion qui a tout ravagé.
Je marche sur des cendres. Je suis couverte de suie. Les fumées que je ne peux m’empêcher d’inhaler freine considérablement ma respiration. J’étouffe.
Cette scène de dévastation, j’y suis habituée.
Je vis dans le conflit permanent, en guerre avec moi-même.
Je vis après la vie.
Comment résister, survivre aux événements qui ont tenté de tout détruire, et qui ont réussi ?
Je suis prise entre deux feux. Celui qui m’a forgée et celui qui n’a pas fini de m’incinérer.
Je vis dans une sorte de limbes, de purgatoire où il me faut choisir quelle direction prendre.
Ai-je encore le pouvoir de faire machine arrière et de me relever ? De m’extraire de ce qui est en train de me consumer ?
Me reste-t-il assez de forces, de courage pour renaître à nouveau, pour laisser l’incendie mourir tranquillement tandis que je reviens doucement à la vie ?
Leave a Reply