Comment croquer la vie à pleines dents ?
Je ne sais pas comment vivre devant le temps qui passe à toute allure, une allure affolante qui me terrifie.
J’ignore si je dois vivre ma vie pleinement, la vivre à cent pour cent, profiter de la façon la plus productive de chaque seconde, ou rester en retrait, la regarder passer, l’observer, contempler l’œuvre d’art qu’elle incarne.
Ce que je sais, c’est qu’elle mérite tout mon respect. Je devrais me sentir, sinon redevable, du moins reconnaissante, d’avoir ma place ici, parmi les habitant•es qui peuplent cette Terre, d’avoir gagné le gros lot, remporté le cadeau que l’on m’a offert il y a plus de trente ans, en gravant mon nom sur le grand livre du temps.
J’ai choisi, malgré moi, l’option qui consiste à me protéger du temps que l’on m’a attribué. Un temps qui me paraît à la fois bien trop court et bien trop dilué, dont je ne sais que faire. Je m’interroge parfois sur la manière de ne pas en perdre une miette, de ne pas le gâcher. Je pourrais l’allouer à des choses utiles, l’employer à des fins qui auraient un enjeu, un but, une intention. Je pourrais faire preuve davantage d’ambition, ou tout simplement, faire quelque chose de ce temps, au lieu de me tenir immobile devant lui, paralysée devant le passage du train qu’il emprunte vers un futur aussi sûr qu’incertain.
A l’heure qui semble sonner le tiers de mon parcours, je me pose des questions. Ou plutôt, les autres m’amènent à m’en poser. Suis-je en train de gaspiller ce que je cherche à tout prix à préserver ?
Le choix de ne pas vivre est-il si judicieux ?
Me permettra-t-il de n’avoir rien à perdre, ou me conduira-t-il à nourrir des regrets face à tout ce que j’aurai refusé d’entreprendre, ce que je n’aurai pas fait ?
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