Je t’ai longtemps gardé dans ma poche et mon cœur, petite bille rouge qui signifiait tout.
Je me souviens de cette époque comme si c’était hier, ce qui n’est pas peu dire étant donné ce qu’est devenue ma mémoire.
Je me souviens de cette ville, de son tram coloré, que j’empruntais le matin pour aller travailler. A l’époque, je travaillais. J’étais presque comme la majeure partie du monde. Je me levais, puis je sortais de chez moi après m’être préparée, et cela ne représentait pas une épreuve insurmontable.
J’y allais sereinement. Je prenais les transports en commun sans craindre qu’il s’agisse de mon dernier trajet. Sans avoir peur des bombes dans les colis suspects et sans me préoccuper des autres passagers. Du moins, c’est le souvenir que j’en ai. Dans ma tête, cette version de moi n’était pas parano, ne faisait pas preuve d’une hyper vigilance constante, n’était pas mortifiée par le regard des gens.
Je marchais d’un bon pas. Je parcourais à pied les quelques dizaines de mètres qui séparaient l’arrêt de tram de mon lieu de travail. J’avais l’esprit léger quand le temps était beau même s’il faisait frais. Cette allure me donnait l’impression de flotter, d’autant plus ce jour-là, où j’ai retrouvé la bille que l’on croyait perdue, au fond de la poche de mon manteau.
C’était il y a six ans, mais les sensations que me procurent ce souvenir sont si vives qu’il me semble que cette scène date d’hier. Je ressens le mouvement de mon corps de façon si aigue, si réelle, que le simple fait d’y penser suffit à me faire voyager, à me ramener à cette année si particulière.
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